Saint-Nicolas-du-Tertre. La méthanisation pourrait "digérer" nos déchets ménagers

des centaines de représentants du monde agricole et des élus pnt participé à cette journée
des centaines de représentants du monde agricole et des élus ont participé à cette journée

Il y a donc à deux pas de chez nous, une exploitation agricole pas tout à fait comme les autres. Exploitée par la famille Texier, l’unité de production de méthane Sensienergies implantée à Saint-Nicolas-du-Tertre est devenue un modèle qui sert d’exemple national à une filière qui devrait connaître un développement fulgurant dans les prochaines années. Il fallait du courage pour se lancer dans ce type de projet sur lequel pourtant les pouvoirs publics fondent désormais de grands espoirs. Mardi, des centaines de représentants du monde agricole de toute la France, des élus sont venus visiter le site que dirige la famille Texier pour mieux comprendre les enjeux de la méthanisation, répondant à l’invitation de Réseau2A, de la société STA que dirige Michel Serazin.

Lorsque Bernard Texier s’est lancé dans l’aventure, il faisait figure de pionnier et il fallait « y croire ». Vivien l’un de ses fils, qui fait tourner au quotidien le méthaniseur, se souvient de cette époque, n’hésitant pas à évoquer un « parcours du combattant », tant pour constituer le dossier que tout simplement se faire accepter dans le commune. Il y avait la difficulté administrative, mais aussi le risque économique. Car, c’est une particularité de ce type d’installation, elle suppose de perdre de l’argent pendant sept ans avant d’espérer des retombées financières positives.

La méthanisation, un outil de traitement des déchets

Quand on écoute les intervenants parler de la méthanisation, on est frappé par la comparaison fréquente avec un « animal ». Sans doute parce que le processus de décomposition grâce à l’action de bactéries, est comparable à celui d’un estomac. Mais un estomac géant capable de digérer 15 000 tonnes de nourriture par an. La méthanisation est un processus qui existe à l’état naturel, dans les marais par exemple. « Domestiqué » dans les unités de méthanisation il assure deux fonctions essentielles : la production d’énergie renouvelable et le traitement des déchets organiques. Mais l’autre intérêt de ce procédé est qu’il permet d’éliminer des déchets et donc joue un rôle de « dépollueur » qui pourrait se renforcer dans l’avenir. Il sert à la dépollution des boues de stations d’épuration, des déjections d’élevage (fumier et lisier) et des effluents industriels organiques (eaux grasses des restaurants), des déchets verts. Mais il peut également servir pour le traitement des déchets ménagers, puisqu’une partie non-négligeable de nos poubelles est constituée de matières organiques. C’est donc un processus de « valorisation » du contenu des poubelles très intéressants, quand on sait les enjeux économiques et environnementaux du traitement des déchets ménagers. Et de tout ça, ressort du biogaz, un gaz riche en méthane et proche du gaz naturel qui depuis peu, peut-être injecté dans le réseau de gaz naturel, mais aussi de l’électricité, de la chaleur. L’installation produit également des fertilisants sous forme liquide ou solide. Ainsi, un méthaniseur ne produit pas de déchets ultimes : tout ce qui y rentre est recyclé, retourne à la terre.

 

Et pourtant la méthanisation est aujourd’hui une filière porteuse d’espoir que les pouvoirs publics veulent promouvoir. Les objectifs sont  très ambitieux : aujourd’hui, une centaine d’unités de méthanisation fonctionnent en France. Le ministère voudrait multiplier ce chiffre par dix dans les trois ans qui viennent… Car nous avons beaucoup de retard sur nos voisins allemands par exemple qui compte 3000 installations de ce genre.

Le défi n’est pas si simple que ça. Car ces projets mobilisent de très importants crédits publics. « On considère que cette filière est fondamentale pour réconcilier les citoyens, les collectivités et les les agriculteurs.. », souligne Gilles Petitjean, directeur régional de l’ADEME qui rappelle que la Bretagne est une région pilote dans ce domaine. L’un des axes de travail de l’ADEME va être dans les prochains mois d’essayer de réduire les coûts d’investissement en mutualisant les dossiers en pariant sur le fait que des commandes « en chaîne » feront baisser les prix. Car, c’est aussi un paradoxe qui vaut dans d’autres domaines économiques en France. Jusqu’à présent celui qui voulait réaliser une unité de méthanisation en France devait s’adresser à des fournisseurs étrangers qui refusent tous transferts de compétence, notamment sur les processus permettant la décomposition des matières. Les choses évoluent peu à peu et aujourd’hui 70 entreprises sont référencées en France dont une trentaine dans l’ouest.

La révolte contre les normes 

La matinée était largement occupé par une conférence animée par Jean de Kervasdoue, ingénieur agronome, ingénieur des ponts et des forêts, membre de l’Académie des technologies, professeur émérite au Conservatoire national des arts et métiers. Pesticides, OGM, gaz de schsite… celui-ci a passé en revue les absurdités d’un système qui élève au rang de doctrine le « principe de précaution ». Il a notamment dénoncé l’avalanche de normes, ce qu’on appelle la « surnormatisation » qui découle, selon lui, d’une exception française. En France en effet, explique-t-il, la responsabilité civile et pénale s’applique aux fonctionnaires, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays. Pour Jean de Kervasdoue, cette particularité juridique pousse les fonctionnaires à mettre en place un système de protection grâce aux normes qui étouffe la société française et sa capacité créatrice. Un discours qui a ait mouche dans l’auditoire et pas seulement parmi le monde agricole. « On est tous tenus par les normes… », s’est ainsi exclamé Alain Launay le président de la communauté de communes du Val d’Oust (CCVOL). « Que faire pour changer ce moule dans lequel tous nos dirigeants sont formés. Quand est-ce qu’on va prendre conscience qu’on est dans la bêtise, qu’on va droit dans le mur », s’est-il insurgé.

 

De même, les réseaux de soutien financier se structurent afin d’apporter l’aide financière nécessaire à l’aboutissement de ces projets. C’est le cas de Bio méthanisation partenaire (BMP) qui apporte son soutien aux porteurs de projet. Ceux-ci peuvent aussi s’appuyer sur la BPI (banque publique d’investissement) et divers financements venant du secteur public (état, région, département).

Mais le risque financier est évidemment énorme pour les investisseurs traditionnels tels que les banques, puisqu’il faut intégrer une période de perte assez longue (7 ans) avant d’espérer atteindre l’équilibre. Ce risque est d’autant plus difficile à appréhender qu’il faut aussi prendre en compte les fluctuations de fonctionnement de l’installation. En effet une unité de méthanisation a besoin de matières premières pour produire du gaz, des fertilisants, du chauffage. Or, il se peut qu’il y ait des baisses de production en raison d’un manque de matières premières. L’objectif est donc d’obtenir un fonctionnement le plus régulier possible de l’installation. Et c’est là qu’interviennent les CIVE (Cultures Intermédiaire à Valorisation Energétique). Ce sont des végétaux qui sont cultivés afin d’être incorporés dans le méthaniseur et ainsi réguler la production. Par exemple, à Saint-Nicolas-du-Tertre, l’unité tourne sans interruption depuis trois semaines.


'Saint-Nicolas-du-Tertre. La méthanisation pourrait "digérer" nos déchets ménagers' a 2 commentaires

  1. 4 septembre 2014 @ 9 h 11 min JG

    bonjour, ce n’est pas 3000, mais 7000 installations présentes en Allemagne. Il faut encourager et aider les porteurs de projets de méthanisation, mais là aussi comme vous le dites, des normes franco-françaises ralentissent les démarches. Aujourd’hui il faut environ 4 ans entre le début du projet et le démarrage de l’installation contre 1 an en Allemagne. Avec près de 140 installations agricoles en France, nous somme loin du projet EMAA de M. Le Foll lancé il y a 2 ans, avec pour ambition 1500 méthaniseurs d’ici 2020 et ré-encherit à 2000 méthaniseurs il y a 1 an par Mme Royal.
    Aujourd’hui sur le territoire de la CCVOL, il y a 1 installation en fonctionnement, 1 en construction et une station collective territoriale en démarche administrative… en espérant que cela continue, en espérant aussi un coup de main de nos élus communautaires!!!

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  2. 21 janvier 2015 @ 10 h 48 min AM

    Bonjour,
    Je voudrais faire remarquer que tout près de l’unité de méthanisation à St Nicolas du Tertre, se trouve une rare prairie naturelle. Elle comprend au moins trois espèces d’orchidées, de nombreux papillons qui ont disparu ailleurs, ainsi que des insectes devenus rares.
    Ce n’est pas que moi et mes copains écolos qui voudraient bien que son drainage soit interrompu. C’est interdit de drainer les zones humides, pas parce qu’on les trouve jolies, mais pour des raisons de qualité de l’eau.
    Comment se faire entendre ?
    AM

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